L’histoire nous rappelle qu’il n’y avait pas la moindre « colonie » ni la moindre « occupation » en 1967 avant la guerre des Six-jours. L’OLP, créée en 1964, avait déclenché son combat éradicateur contre l’Etat juif, sans pouvoir évoquer ces motifs. Elle nous rappelle qu’avant cette guerre les territoires étaient sous la coupe de l’Egypte et de la Jordanie qui auraient pu créer un Etat palestinien mais qu’ils ne l’ont pas fait faute d’en vouloir un et faute de revendication « nationale palestinienne ». L’histoire joue un rôle décisif pour qui veut distinguer la réalité derrière les grosses Bertha de la propagande. (NdT)
Mentionner l’histoire peut provoquer de l’agacement. Si on ajoute le Moyen-Orient à l’équation et les gens partent en courant, peu désireux de tomber dans un puits apparemment sans fond de sornettes et de querelles.
Mais si l’on ne comprend pas ce qui est advenu dans le passé, il est impossible de comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd’hui, et cette situation revêt une grande importance pour la région et le monde.
Le 5 juin, il y a cinquante-quatre ans, la guerre des Six Jours a éclaté. Si certaines guerres tombent dans l’oubli, celle-ci reste aussi actuelle aujourd’hui qu’en 1967. Bon nombre de des questions fondamentales qu’elle a soulevées n’ont toujours pas de réponses.
Les politiciens, les diplomates et les journalistes continuent de s’affronter sur les conséquences de cette guerre, mais ils tiennent rarement compte du contexte de l’époque, et peut-être même l’ignorent-ils. Pourtant, sans tenir compte du contexte, certaines réalités d’une importance cruciale n’ont pas de signification.
Pas d’Etat de Palestine
Premièrement, en juin 1967, il n’y avait pas d’État de Palestine. Il n’existait pas et n’avait jamais existé. Sa création, proposée par l’ONU en 1947, avait été rejetée par le monde arabe parce que sa naissance impliquait également celle d’un État juif à côté.
Deuxièmement, la Cisjordanie et Jérusalem-Est étaient aux mains de la Jordanie. Violant des accords solennels, la Jordanie refusait aux Juifs l’accès à leurs lieux de culte les plus sacrés à Jérusalem-Est. Pour aggraver encore la situation, elle avait profané et détruit un grand nombre de ces sites.
Pendant ce temps, la bande de Gaza était sous le contrôle de l’Égypte, qui impose un régime militaire sévère aux résidents locaux. Et le plateau du Golan, régulièrement utilisé pour bombarder les communautés israéliennes en contrebas, appartenait à la Syrie.
Troisièmement, le monde arabe aurait pu créer un État palestinien en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza n’importe quel jour de la semaine. Il ne l’a pas fait. Il n’a même pas débattu de ce sujet. Et les dirigeants arabes, qui professent aujourd’hui un attachement si profond à Jérusalem-Est, ne s’y étaient rendus que rarement, voire jamais. Cette ville était considérée comme un trou arabe perdu.
Les colonies ?
Quatrièmement, au moment de la guerre, dont on parle tant dans les journaux ces jours-ci, la frontière de 1967 n’était rien de plus qu’une ligne d’armistice datant de 1949, désignée familièrement sous le nom de Ligne verte. C’était après l’attaque d’Israël par cinq armées arabes en 1948 dans le but de détruire l’État juif embryonnaire. Elles échouèrent. Des lignes d’armistice ont alors été tracées, mais ce n’étaient pas des frontières officielles. Elles ne pouvaient pas l’être. Le monde arabe, même dans la défaite, refusait de reconnaître le droit d’Israël à exister.
Cinquièmement, l’OLP, qui avait soutenu l’effort de guerre, avait été créée en 1964, trois ans avant le début du conflit. C’est important car elle avait été créée dans le but d’anéantir Israël. N’oubliez pas qu’en 1964, les seules « colonies » étaient Israël lui-même.
Sixièmement, dans les semaines précédant la guerre des Six Jours, les dirigeants égyptiens et syriens déclarèrent à plusieurs reprises que la guerre était imminente et que leur objectif était de rayer Israël de la carte. Il n’y avait aucune ambiguïté dans leurs annonces qui glaçaient le sang. Vingt-deux ans après l’Holocauste, un ennemi supplémentaire parlait de l’extermination des Juifs. Ce point d’’histoire est bien documenté.
L’erreur de Hussein
Il est tout aussi clair que dans les jours précédant la guerre, Israël a fait passer un message à la Jordanie, par l’intermédiaire des Nations Unies et des États-Unis. Il demandait instamment à Amman de rester hors de tout conflit à venir. Le roi Hussein de Jordanie avait ignoré l’appel d’Israël et lié son destin à l’Égypte et à la Syrie. Ses forces furent vaincues par Israël, et il perdit le contrôle de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Il reconnut plus tard qu’il avait commis une grave erreur en entrant en guerre.
Septièmement, le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait exigé que les forces de maintien de la paix de l’ONU dans la région, en place depuis dix ans pour prévenir un conflit, soient retirées. Honteusement, sans avoir la courtoisie de consulter Israël, l’ONU obtempéra. Il n’y avait donc plus aucun tampon entre les armées arabes déployées sur le terrain et les forces armées d’Israël. Un pays dont la taille faisait un cinquantième, ou deux pour cent, de celle de l’Égypte et dont le point le plus étroit ne mesurait que neuf miles de large.
Huitièmement, l’Égypte avait bloqué les voies de navigation israéliennes dans la mer Rouge, leur seul accès maritime aux routes commerciales avec l’Asie et l’Afrique. Cette mesure était naturellement considérée comme un casus belli, un acte de guerre, par Jérusalem. Les États-Unis avaient envisagé de se joindre à d’autres pour briser le blocus, mais ils n’avaient finalement rien fait, chose regrettable.
La France et les armes
Neuvièmement, la France, le principal fournisseur d’armes d’Israël, annonça une interdiction totale des ventes d’armes à la veille de la guerre de juin. Cela mettait potentiellement Israël en grave danger si le conflit devait s’éterniser et nécessiter un réapprovisionnement. Ce n’est que l’année suivante que les États-Unis sont intervenus et ont vendu des systèmes d’armes vitaux à Israël.
Enfin, après avoir gagné sa guerre d’autodéfense, Israël espérait que ses territoires nouvellement acquis, saisis sur l’Égypte, la Jordanie et la Syrie, serviraient de base à un accord « terre contre paix ». Des appels furent lancés. La réponse officielle date du 1er septembre 1967 ; la Conférence arabe au sommet déclara alors à Khartoum : « Pas de paix, pas de reconnaissance, pas de négociations » avec Israël.
D’autres « non » allaient suivre. Pour illustrer ce point, en 2003, l’ambassadeur saoudien aux États-Unis était cité dans le New Yorker : « Cela m’a brisé le cœur qu’Arafat [le président de l’OLP] n’ait pas accepté l’offre israélienne d’un accord fondé sur deux États, présenté avec le soutien américain, en 2001. Depuis 1948, chaque fois que nous avons eu quelque chose sur la table, nous avons dit non. Après nous disons oui. Quand nous disons oui, ce n’est plus sur la table. Alors nous avons laissé passer une chance. N’est-il pas temps de dire oui ? »
Aujourd’hui, il y a des gens qui souhaitent réécrire l’histoire.
Ils veulent faire croire au monde qu’il existait autrefois un État palestinien. Ce n’est pas le cas. Ils veulent faire croire au monde qu’il y avait des frontières précises entre cet État et Israël. Il n’y avait qu’une ligne d’armistice entre Israël et la Cisjordanie et la partie orientale de Jérusalem contrôlées par la Jordanie.
Ils veulent faire croire au monde que la guerre de 1967 était un acte belliqueux d’Israël. Non, c’était un acte d’autodéfense face à la menace génocidaire de victoire contre l’État juif, sans parler du blocus maritime du détroit de Tiran, du retrait abrupt des forces de maintien de la paix de l’ONU et du déploiement des troupes égyptiennes et syriennes. Toutes les guerres ont des conséquences. Celle-ci n’a pas fait exception. Mais les agresseurs n’ont pas assumé la responsabilité des actions dont ils étaient les auteurs.
Ils veulent faire croire au monde que l’établissement d’implantations israéliennes après 1967 est le principal obstacle au rétablissement de la paix. La guerre des Six-Jours est la preuve que la question centrale est, et a toujours été, de savoir si les Palestiniens acceptent le droit du peuple juif à un État qui lui soit propre. Si oui, les questions litigieuses, aussi difficiles soient-elles, ont des solutions possibles. Mais hélas, si non, rien ne va plus.
Jeter le passé aux oubliettes
Et ils veulent faire croire au monde que les nations arabes n’avaient rien contre les Juifs en tant que tels, seulement contre Israël. Elles ont pourtant piétiné avec retenue des sites sacrés pour le peuple juif.
En d’autres termes, pour ce conflit, jeter le passé aux oubliettes comme s’il s’agissait d’un différend mineur, ou pire d’un sujet sans importance, cela ne mènera nulle part.
L’histoire peut-elle aller de l’avant ? Absolument. Les traités de paix conclus par Israël avec l’Égypte en 1979 et la Jordanie en 1994 le prouvent avec force, de même que les quatre accords de normalisation signés avec le Bahreïn, le Maroc, le Soudan et les Émirats arabes unis l’année dernière.
Dans le même temps, à l’inverse, les leçons de la guerre des Six-Jours illustrent à quel point le chemin peut être difficile et tortueux. Elles nous rappellent que, oui, l’histoire compte.
Titre original : Why History Still Matters: The 1967 Six-Day War
Auteur : David Harris, directeur exécutif de l’American Jewish Committee (AJC).
Date de première publication : le 3 juin 2021 sur le site de The Times of Israel
Traduction : Jean-Pierre Bensimon