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UN PEU DE TOUT - Page 82

  • L'amour dans les mains d'un répondeur

    «Belle inconnue, bonjour ! Je vous ai aperçue il y a peu de temps. Je rentrais de mon travail entre chien et loup. Le train était bondé, et vous, vous vous teniez à quelques pas de moi. Vous me paraissiez si sombre et si lumineuse à la fois. Je vous imaginais à travers vos cheveux d’ébène reflétant des brindilles d’amour calciné, mais je vous envisageais aussi à travers vos yeux de biche, d’un noir profond, diffusant une passion étoilée. Comme le soleil s’apprêtant à darder ses rayons sur la lune, votre fureur se préparait à percer l’ombre amoureuse lorsque vous avez sorti votre portable de votre sac. Sur un ton réprobateur, vous avez dit à votre interlocuteur qu’il ne fallait pas confondre le commerce et le cœur. Vous étiez prête à lui vendre votre voiture et vous lui avez demandé s’il était disposé à s’aligner sur votre prix. Puis, prenant une voix envoûtante, vous l'avez prié de vous donner de ses nouvelles en laissant un message sur votre répondeur de téléphone fixe, car vous partiez le soir même en vacances, et votre portable n’avait pas de boîte vocale. Lorsque je vous ai entendue lui donner le numéro de votre téléphone fixe, l’espoir de servir vos ardeurs vrombissait dans ma tête comme un essaim de cupidons. Je vous avais observée durant toute la conversation. Votre emportement faisait frémir sensuellement les narines de votre petit nez en trompette. Vos lèvres semblaient palpiter comme la fleur au creux de vos reins. Votre oreille ornait élégamment, tel qu'un col de dentelle, votre téléphone bleu. Votre main si délicieusement féminine relevait gracieusement une mèche rebelle s’agitant sous le vent coulis. Devant tant d’attraits, je désirais enfouir ma tête dans le creux de vos seins, et boire la sève montant de vos reins. Le courant d’un désir m’amène vers vous. Sans crainte d’échouer contre votre réprobation, je me laisse emporter comme un rêveur au fil de l’eau. Sachant que vous ne m’écoutez pas, ma présente déclaration flotte sur un espoir voluptueux qui s’évanouira ou prendra corps au fond de votre oreille. Rappelez-moi au plus vite au vingt, cent neuf, trente-et-un. Entendez aussi par là : mon appel n’aurait pas été vain, si du sang neuf me mettait sur mon trente et un. Votre beauté sanglote en moi, elle me fait trembler. Dans l’attente de votre coup de fil, la divinité que votre allure et votre expression inspirent m’aidera à traverser le couloir d’une attente interminable. Je ne sais si dans le chaudron de vos amours un autre amant bout déjà. Si tel devait être le cas, mes paroles galantes se consumeraient avec joie sur le couvercle de votre cœur en feu. De leurs cendres renaîtraient, j’en suis certain, d’autres mots enflammés échauffant alors l’amante à moi consacrée. Je ne vous embrasse pas car, vos appas ne m’entourant pas, mon baiser risque de ressembler à un amuse-bouche qui laisse le pique-assiette sur sa faim.»

    David Frenkel (nouvelle publiée aussi sur le site De Plume en Plume)

  • Tourbillons...

    Nuit psychédélique

    Dans le tourbillon assourdissant

    De la grande messe métallique,

    Et sous les lasers fluorescents,

    Je dansotte avec les alcooliques.

     

    Pris dans un tourbillon de folie,

    Dans l’abysse je suis entraîné ;

    J’aperçois la méduse Aurélie ;

    Sous ses ailes d’or je vais caner.

     

    Le mal de tête me ressuscite, 

    M’extraie du tourbillon de mes rêves.

    J’émerge dans une aube anthracite

    Celle qui m’enténèbre et me crève.

     

    Dansez arias

    Les soucis dansent avec moi

    Dans un tourbillon de joie.

    Ils ont vibré d’effroi

    Aux souffles de Dame Fortune,

    Et ont trépassé

    Dans un tourbillon de bonnes nouvelles.

    Ils ont ressuscité

    Aux détours des vicissitudes de la vie ;

    D’autres esprits les avaient invités.

    Avant de partir, valsez avec moi.

     

    Le labeur, ma solitude

    Dans un tourbillon de labeur,

    J’enfonce mon impérieuse vanité.

    Agite-toi, besogne indispensable ;

    Tes objectifs me font vibrer jusqu’à la moelle.

    Sous le joug d’un capitalisme fiévreux,

    Sous la férule de fébriles mépris,

    Je tourbillonne dans la vaste économie,

    Dans la solitude endormie.

     

    Mouvements amoureux

    Dans le tourbillon de l’amour,

    Tes yeux tournent en vrille,

    Ta voix descend en spirale,

    Ton parfum monte en volute,

    Ta grâce tourne comme une hélice,

    Et mon cœur se tortille d’amour.

     

    L’infâme jalousie

    Dans le tourbillon de la passion,

    J’aperçois maintes rivalités.

    Mon amour est en ébullition

    Dans la tortueuse volupté.

     

    Mes mots s’agitent de jalousie

    Qui dans un tourbillon de violence

    Enlève à l’amour sa poésie.

    Le poème se meurt en silence.

     

    Un vaste tourbillon de colère

    Entraîne mon esprit et mon cœur

    Dans des pensées qui vont vous déplaire ;

    Mon âme s’abîme de rancœur.

     

    Ô vieillesse

    Par la fenêtre de la vieillesse,

    J’aperçois mes années printanières

    Qui dans un tourbillon de joliesse

    Me saluent de brillante manière.

     

    Le tourbillon de la mort m’entraîne.

    Avec le trépas, je dois descendre.

    Autour de moi, les années s’égrènent

    La vieillesse me joue les Cassandre

     

    Aux confins du trépas

    Dans le tourbillon de l’angoisse,

    La noire inconnue m’engloutit.

    Je virevolte dans le néant,

    Damné par l’hydre des ténèbres.

    Je tournique dans l’ombre infernale,

    Dans le tourbillon de la mort.

    Aucune main ne me sauve,

    Aucune parole ne me délivre

    Du tourbillon d’un diabolique silence.

     

    Dans le tourbillon des souvenirs,

    Mon âme soudainement surgit ;

    Leur mémoire va me retenir ;

    Ils gravent sur mes années : ci-gît.

     

    Le tourbillon de la création

    Un jour Dieu a tourbillonné d’ennui.

    Il s’est agité dans la profonde nuit

    Et s’est morcelé en d’infinis tourbillons

    Qui tournent autour de l’éternel sillon,

    Celui que Dieu creuse continuellement

    Dans le labyrinthe de son entendement.

     

    David Frenkel (publié aussi sur le site De Plume en Plume)

  • Dans une salle d'attente...

    La vieillesse s’invite dans ce cabinet. Le temps a mis son sceau sur ces visages. Il a creusé sur ces figures les lacets du trépas afin de rendre moins abrupte la descente vers l’anéantissement. Des faces ridées s’offrent à la mort avec la bénédiction du destin ; la transition brutale d’un regard divin vers une vision glauque tourne le sourire en démence.

         Les pas saccadés des vieillards font écho au lourd silence qui pèse dans cette salle d’attente. Les mains tremblotantes des valétudinaires agitent les journaux et les revues. Elles aimeraient tant empoigner ce monde qui suinte le long des articles de presse. Soudain, une voix fluette conte l’ordinaire au dessus de l’épaule frêle d’un voisin. La banalité prend de la hauteur lorsque les vieux taisent leurs douleurs. Des mots sur la langue refusent de mourir ; ils appréhendent les profondeurs de l’oubli. Ils font maints détours dans la mémoire des vieux afin de pouvoir s’échapper et vivre dans les souvenirs d’autrui.

          Ô Docteur vous êtes notre sauveur, votre savoir c’est de l’eau bénite. Elle coule de notre imagination quand nous sommes face à notre décrépitude. Nos chimères sourdent en vous. Nous rêvons de belles démarches, de gestes habiles et précis. Nos esprits divaguent hors de nos corps débiles. Alors, Docteur ne nous faites plus attendre ; nous délirons de souffrances.

    David Frenkel (publié également sur le site De Plume en Plume)