La vile solitude
La froide indifférence d’un œil glauque se perd dans l’anonymat d’un cercueil mobile. Tant de sympathies vont s’enterrer, rongées par les larves solitaires ; l’humain tombe en poussière. Les mains s’accrochent aux barres de secours, mais aucun regard ne se cramponne à autrui, nul sourire ne chasse l’air transi des humeurs cacochymes dans ce transport anonyme. Seul un numéro l’identifie. Les pages de nombreuses existences s’étalent sur les plate-formes roulantes. A l’arrivée l’étoile les ramasse ; aucun nœud ne les unit ; elles brilleront en solitaire et pâliront à l’ombre d’une amitié. L’étoile les pose sur un prochain départ dans l’espoir que les bouches, dans un assemblage verbal, puissent les porter vers elle en offrande , ainsi nouerait-elle les pages de maintes vies.
La ville habille l’homme. La solitude est le costume du citadin. L’artificiel moule le paraître quand la déréliction épouse l’être. L’individu a jeté le haillon solidaire par les fenêtres des cages à lapin. Les gens en chemise de nuit cherchent leur muse dans une cambuse. Dehors la tempête urbaine souffle ; le silence populaire balaie les rues ; l’âme s’endort devant le sortilège. Dieu lui parle à travers une lucarne. Les anachorètes des métropoles vivent dans leur tanière. Se nourrissant de divine lumière, ils professent la foi cathodique.
David Frenkel