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  • Haine palestinienne, ce n'est pas une question de territoires

    Au moindre incident entre israéliens et arabes nommés unilatéralement "Palestiniens", la vox de l'Agence France Presse ne cesse de reprendre le traditionnel leitmotiv : « Cisjordanie, territoires palestiniens occupés depuis 1967 », et en parlant de Jérusalem-Est, « secteur palestinien occupé depuis 1967 », et nonobstant ce fait :

    ° En 1967, date à laquelle la Cisjordanie Judée Samarie, et Jérusalem-Est ont été conquises par Israël, celles-ci ont été occupées par la Jordanie. Israël s'est emparé desdits territoires, et rappelons-le quand même, à la suite d’une guerre que cette dernière lui avait déclarée. Le 31 juillet 1988, lorsque le Roi Hussein de Jordanie a renoncé à sa souveraineté sur la Cisjordanie Judée Samarie, les territoires, anciennement jordaniens, sont alors devenus des biens« sans maître », c’est-à-dire sans la moindre souveraineté étatique (en dépit de la présence militaire israélienne). Yasser Arafat s’est alors empressé de proclamer l’indépendance de l’État de Palestine (le 15 novembre 1988) sur ces terres.

    Tout au plus donc, la Cisjordanie Judée Samarie ainsi que Jérusalem-Est pourraient-elles être qualifiées de « territoires disputés ». Or, comme nous allons le voir, le conflit entre israéliens et ceux nommés "Palestiniens" n’a pas pour objet une revendication, mais a pour objet la haine, la non acception d’un État juif au Moyen Orient.

    David Frenkel

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  • Interrogations photographiques

    Interrogations photographiques

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      Alain Cohen et Michel Simon "Le vieil homme & l'enfant"

    Le visage d’un bébé

    De pleurs vitaux enrobé

    Est une photo de vie

    Qui reflète ses envies

    Maints sourires esquissés

    Sous de petits yeux plissés

    Complètent cette photo

    Faisant partie du libretto

    Consignant l’ouvrage humain

    Que chantent main dans la main

    Les musiciens du destin

    Avec des airs enfantins

     

    Le visage buriné

    D’un vétéran malmené

    Sur une photographie

    las durement nous défie

    Son sourire s’est figé

    Sous son regard négligé

    Parachevant le cliché

    De ce portrait accroché

    A son destin personnel

    Peignant l’esprit éternel

    D’effrayante perspective

    Ombrant sa mine chétive

     

    Les deux photos réunies

    Sont de réflexions munies

    Si l’on pouvait disposer

    Les deux images puisées

    Dans les annales du temps

    Les apercevoir jouxtant

    Sur les extrêmes de l’âge

    En ferions-nous étalage

    Deviendrions-nous plus sage

    En nous faisant ce message

    Tout aspect n’est qu’éphémère

    Et se transforme en chimère

                                               David Frenkel

     

     

     

  • Une prison lumineuse

    Aujourd’hui, je reviens dans la cité après une absence de six mois.

    Je m’appelle Melinda. Je suis la cadette d’une sœur et d’un frère, et l’aînée d’une autre sœur et d’un autre frère. Mon père, Khaled, et ma mère, Jasmina, se connurent en Tunisie, leur pays d’origine. Ils émigrèrent en France lorsqu’ils étaient jeunes étudiants. Leurs familles faisaient partie d’une société aristocratique toute imprégnée de littérature française. Cette société, vieillissante, encourageait leurs enfants à s’installer dans l’Hexagone pour toucher également au velours de cette langue. Ils menèrent à bien leurs études de lettres et obtinrent chacun leur licence à l’Université de Paris. Mes parents se marièrent aussitôt celle-ci obtenue. Ils désiraient enseigner. Hélas pour eux, les postes d’enseignant dans les bonnes écoles de Paris étaient de fait réservés aux Français de souche. On leur attribua un poste dans une école de banlieue, réputée difficile. Les instituteurs éprouvaient mille difficultés à y faire régner la discipline, car des caractériels et des cancres la fréquentaient en majorité. Il faut dire que le chômage, fléau d’une minorité desservie par un facies se démarquant de l’Européen, remontait bon nombre d’individus contre une société où le parti pris voilait les capacités de la personne. Parqués comme du bétail dans cette cité qui bétonne l’infortune, bien des adultes s’oubliaient dans l’ivresse du contentement à la lumière d’une euphorie se dégustant à petites gorgées dans un bar. Comment pouvaient-ils alors trouver du temps pour éduquer leurs enfants ? Mes parents avaient comme collègues des enseignants uniquement intéressés par la galette. Ceux qui mouillaient pour leur profession tombaient soit en dépression, soit abandonnaient l’enseignement. Ma mère jeta aussi l’éponge, elle changea d’orientation et devint la maîtresse de maison d’un veuf de la vieille France qui vivait seul avec quatre jeunes enfants. Il chargea aussi ma mère de leur donner des cours de soutien.

    Mon père, quant à lui, persévérait ; comment pouvait-il en être autrement lorsqu’on doit nourrir une famille ? Il enseignait la littérature française dans un collège préparant les élèves à la première partie du baccalauréat. Je fréquentais ce même collège. Un jour où je dus partir plus tôt, le hasard voulut que je passe devant la porte entrouverte de la classe où il enseignait. J’entendis un grand tapage. Je mis ma tête dans l’embrasure de la porte et aperçus mon père. Ses lèvres remuaient dan le vide ; les élèves chahutaient et se moquaient de lui. Il était désemparé. Mes joues rosirent de colère et de honte. Je vitupérai intérieurement contre le visage blême de mon père me faisant penser à sa mort ; je désirai rentrer sous terre lorsque je vis ses yeux furibonds sortir de ses orbites, sa main gauche trembler et l’homme baver ; j’imaginai mon père devenu débile. Hébétée, je finis par quitter les lieux. Pourtant, les jours suivants, lorsque le chambard heurtait des professeurs qui m’étaient étrangers, je faisais preuve de nonchalance. Je prenais même part au tumulte. La cité me marginalisait déjà suffisamment pour ne pas me séparer encore de mes camarades. J’étais donc une piètre élève.

    Ma mère, occupée à tenir la maison d’autrui sept jours sur sept, et mon père, harassé par les tracasseries de sa profession, ne se souciaient guère de moi. J’étais devenue une loubarde. Il m’arrivait sous l’effet de l’herbe de me prendre pour le redresseur des torts. J’incendiais les voitures des pandores, gardiens des injustices sociales, jusqu’au jour où je me fis prendre. Je n’oublierai jamais l’afflux de larmes qui inondèrent le visage de ma mère quand elle me rejoignit au commissariat. On aurait dit que les eaux dormantes d’une insouciance jaillissaient soudainement du tréfonds de sa culpabilité. Je fus condamné à six mois d’emprisonnement dans un centre d’éducation fermé. Celui-ci se situait en pleine campagne à environ cinquante kilomètres de ma cité. Ce lieu de détention était entouré d’une végétation luxuriante. Je ne pouvais concevoir en arrivant dans cette bâtisse que ce fût une maison d’arrêt ; elle avait l’air d’un havre de paix. Mais, en me rapprochant, les barreaux aux fenêtres, et le jardin, entouré de hauts grillages électrifiés, me rappelèrent vite que je n’allais pas en villégiature. L’aménagement intérieur était austère. Aucun tableau n’était suspendu aux murs. Nul bibelot ne traînait sur les multiples étagères trônant dans le grand hall d’entrée. Aucune fleur, aucune plante n’ornait la maison. Les balcons avaient été détruits et les cheminées avaient été condamnées. Le salon était rempli d’armoires vides. Seule une grande bibliothèque vitrée renfermant des livres d’histoires et de géographie donnait un peu de chaleur à ce centre. Elle était installée dans le long couloir du rez-de-chaussée menant aux chambres. Malgré cela, le premier soir, allongée sur le troisième des quatre lits superposés, je me délectai de l’air salubre dans sa primeur.

     Les jours suivants, j’attendais avec impatience l’heure de se coucher, car les barreaux d’une fenêtre, en laissant entrer le parfum capiteux d’une rose, l’odeur sucrée d’un tilleul, l’exhalaison odorante d’une herbe mouillée, étaient curieusement devenus le symbole d’une plénitude, le symbole d’une liberté m’entrouvrant les portes du paradis. Je ne m’étais jamais sentie aussi bien que sous ce toit. Les voix vocifératrices des gardiens me tirant de mon sommeil le matin, bien que déchirantes, me mettaient de bonne humeur. Ils étaient loin, les durs réveils d’un enfant affrontant le jour naissant sous le poids des responsabilités. Mes parents partant à l’aube, ma sœur et mon frère aînés volant de leurs propres ailes, je devais être chaque matin aux aguets car la responsabilité des deux cadets m’incombait.

    Dans ce centre pour enfants délinquants, je me réjouissais de ne plus entendre leurs insultes, lorsque je les poussais hors du lit, de ne plus devoir les tirer de la douche, quand ils s’attardaient sous l’eau en faisant les fous. Dans ce lieu, je me délectais de ne plus sursauter à chaque sonnerie de téléphone, lorsque leurs hurlements pouvaient laisser croire que des voisins s’inquiétaient de leur sort ; de ne plus devoir encaisser sans broncher les coups que mon frère et ma sœur me donnaient lorsque je les forçais à se lever de table, à prendre leur cartable. Et enfin, dans ce centre, je n’avais plus à rougir de honte devant la turbulence de mes petits malotrus sur le chemin de l’école. Dans l’établissement où je purgeais ma peine, lorsque je me levais, j’étais pris en charge. La toilette, la gymnastique, le petit déjeuner, glissaient au fil d’un matin serein. La journée se déroulait selon un programme défini à l’avance. Je me régalais du contraste entre le savoir-faire des éducateurs, fins psychologues cherchant à nous valoriser, et l’impéritie des enseignants d’une pauvre école de banlieue devenus des gardes-chiourme faute de n’avoir été préparés à affronter une jeunesse en manque de reconnaissance sociale. Dans ce lieu de détention, je me disais : au fond, dans l’établissement scolaire de ma cité, n’avais-je pas été déjà prisonnière ? Je me rendais compte que l’Etat m’avait enfermée dans la médiocrité. Mes professeurs n’avaient-ils pas été les matous d’une bande de tocards ? Pourquoi les Autorités avaient-elles attendues que j’aie fait les quatre cent coups pour devenir leur préoccupation première ? Dans cet établissement, les éducateurs ne tenaient-ils pas le rôle des parents ?

    Ils s’intéressaient à notre passé, évaluaient nos aptitudes et s’enquéraient de nos ambitions. J’appartenais à une famille. Le propre de celle-ci n’est-elle pas d’atténuer la désespérance de ses membres en s’intéressant à eux ? Dans ce lieu, je me rendais compte de l’incurie d’un gouvernement faisant voler en éclat la cellule familiale, garante de l’équilibre moral des individus qui la composent. La ghettoïsation des infortunés acérait une rancune qui venait à maturité au printemps d’une vie. Aussi, les fins de journées dans cette demeure me paraissaient si agréables, à l’aune de celles que j’avais passé en compagnie de mes «chéris» ! Après le lycée, j’allais les chercher à l’école, mes parents rentrant du travail après l’heure du souper, et les tourments du matin m’accompagnaient à nouveau. Dans ce centre de détention, je me libérais des disputes de mes sauvageons, toujours prompts à se chamailler à l’heure où je préparais le souper. Dans cette prison, je goûtais au repos et mettais les pieds sous la table. Lorsque mes parents rentraient, même morte de fatigue, je m’en allais vers un monde où je brisais mes chaînes, me libérais de l’humiliation, mais où je m’enfermais dans une dépendance me poussant à la délinquance. Grâce au flagrant délit, j’allais m’affranchir de l’avilissement dans ce centre d’éducation surveillé. Dans cet endroit, je me libérais également d’une mauvaise alimentation au service des enseignes apprêtant la cupidité et une bonne dose de stupidité aux sauces de l’artificiel. Mon palais se familiarisait enfin avec les fruits et les légumes de saison, avec le goût d’un pain naturellement pétri. Guidée, notée, parfois admonestée, ma personne se formait sur la morale apaisante d’un milieu coercitif moulant les différences physiques et de caractères en une émotion produite par le futile, appelée aussi art. C’est ainsi qu’une entente non plus fondée sur la déprédation, la casse, moteur de la jeunesse défavorisée des banlieues, mais sur un sentiment esthétique, régnait entre nous vers la fin de mon enfermement. Merci au juge des enfants de m’avoir punie.

    En m’internant dans cette maison de rééducation, je découvrais un monde que je ne connaissais pas. J’embrassai mes camarades au dernier jour d’une détention tintée de nostalgie en nous jurant de se revoir. Assise dans le train devant me ramener à bon port, le paysage défilant devant mes yeux semblait rejeter dans un passé nostalgique un emprisonnement doré.

    Il est dix heures du matin, je rentre chez moi. J’aperçois à une dizaine d’encablures la bouche noirâtre d’une usine. Comme d’habitude, elle crache sur le ciel la furie d’ouvriers exploités. Non loin de ma demeure, le bitume crevassé d’un trottoir expose comme un symbole le génie de la France, assimilatrice de nombreuses cultures, triturée par le mépris de l’autre. En voulant ouvrir la porte de mon appartement, je m’aperçois que la serrure de la porte a été changée. Cette porte close me trouble. Une cinquantaine de kilomètres me sépare d’une prison lumineuse, mais une distance infranchissable me sépare dans cette cité carcérale d’un monde ensoleillé. J’éclate en sanglots.

    David Frenkel