Assis ou debout devant un zinc
La fumée s’élève onduleusement ;
Elle se tortille à débarrasser
Le café de ses tourments ;
La tension s’évacue au travers les cigares ;
On renifle l’odeur âcre des peines ;
Les corps inspirent la fin,
Mais les têtes respirent enfin ;
On dépose son fardeau
Dans les brumes d’un bistrot.
La rumeur de la foule soûle la réalité ;
Elle titube dans les cerveaux humains
Et vient choir sur un quotidien revu
Dans la griserie d’un estaminet.
Méchante humeur passez, muscade ;
La convivialité sucre l’orangeade ;
Le meilleur et le pire offrent leur part
Dans la promiscuité des bars.
Le savoir s’invite dans un salon de thé ;
Le génie s’approche d’un tabouret ;
Ils parlent à l’étudiant,
Ils prennent la main de l’écrivain.
Le mystère se dévoile soudain,
Au plus fort d’un charivari
Quand le vin coule dans une brasserie.
Lorsque les verres s’entrechoquent,
Les idées les plus loufoques
Heurtent de plein fouet les idées arrêtées ;
Chacun sème sa graine de folie
Quand on a bu la coupe jusqu’à la lie
Ou lorsqu’on a goûté aux plaisirs de la vie.
Les espoirs et les souhaits se déversent
Dans les troquets élevant en vase clos
Les hommes brillants et les quidams falots.
Les carnotzets aux relents prononcés,
Les estaminets aux émanations fétides,
Se rient des conventions,
Dérident la gent gourmée ;
Assis ou debout devant un zinc,
L’individu s’envole sur l’air d’un bastringue.
David Frenkel (Publié également sur le site De Plume en Plume sous le pseudonyme Benadel)