Le train surgit des ténèbres.

Réveille-toi, citoyen capon !

Dans la campagne endormie, la lune est blême ;

Une colère froide blanchit sa figure ;

Son rayon balaie des visages apeurés ;

L’astre pénètre les wagons à bestiaux ;

Il les accompagne à la nuit du tombeau ;

L’innocence funèbre roule vers la mort.

Une mélopée lugubre rythme le convoi ;

La promiscuité d’un univers immonde

Transforme l’individu en troupeau amorphe.

Sous les roues, la ferraille entrechoque

La résistance réfugiée dans la matière.

Les enfants pendent aux basques de l’espoir ;

Leurs pleurs les attachent à l’humain.

Mais le destin suit un train d’enfer

Leurs larmes n’éroderont point les cœurs de pierre.

Le soleil découvre les étoiles jaunes.

Les nuages peinent à cacher l’infâme ;

L’éclair ne déchire pas l’ignominie ;

L’orage ne frappe pas l’opprobre.

La locomotive siffle la camarde

Dans un désert d’humanité.

L’imagination fertile conduit la haine ;

Elle s’arrêtera à la solution finale.

Les wagons vides repartent vers l’oubli.

La bétaillère est derechef peuplée ;

Des bêtes ont remplacé les boucs émissaires.

Six millions ont fait le grand voyage ;

Leur trajet a strié l’Humanité.

David Frenkel

Je reste perplexe devant ceux qui n’ont de cesse de s’en prendre au monde libre.

Pour certaines gens, l’invasion par la Russie d’un pays souverain, membre de l’ONU, provoquant l’exil de plus de cinq millions de personnes ayant peur pour leur vie, c’est du pipi de chat. Ce qui les fait frémir, c’est la fourniture de moyens de défense à une nation qui désire lutter contre un envahisseur. L’oncle Sam, l’OTAN, les horreurs commises par les générations d'antan, tout y passe. Mais ce sont les pays de leurs descendants qu'il convient de clouer au pilori. Allez comprendre. Mais ne dit-on pas qu’il faut de tout pour faire un monde ? Ah j’oubliais : ceux qui s’apitoient sur un État inondé de soudards, occupé par une soldatesque au service d’un despote en déficit d’aura, sont des moralistes ne résonnant pas avec le cerveau. Mais me demandé-je, ceux qui dénigrent le monde libre pourraient-ils aussi manier leur plume comme bon il leur sembleraient dans un pays sous le joug d’un tyran?

David Frenkel