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Le poétique virus ne nous fait pâlir, il nous fait jouir (XIV)

Tribulations autour d'un piano

Le piano devant lui se dresse
Telle une de ces tigresses
Attendant qu’un artiste la caresse
Pour avaler comme une ogresse
Sa très grande virtuosité
En le harcelant de difficultés
Que des touches grandement futées
Vont dans un silence présenter.

Le pianiste s’avance
Et fait sa révérence.
Un public bigarré applaudit sans outrance
Car, déjà, le chef exhibe son fer de lance.
Le soliste au front haut
Au visage rond, palot,
Fonctionne dés à présent en vase clos.
Il s’assied sur le tabouret du piano.
Son beau jeu pianistique me captive,
Malgré tout je reste sur le qui-vive ;
Un goût amer monte de ma salive,
Mon Dieu, pourvu que rien ne lui arrive !
Il sort un à un les sons
De très belle façon
En provoquant un gigantesque frisson
Quand il plonge les deux mains à l’unisson
Dans la gorge du grand félin
En neutralisant son venin,
Il était grand temps de le prendre en main.

A présent, ce téméraire baladin
Peu exécuter d’un pas de danse
Un morceau à très vive cadence
Sur cet instrument très dense
En montrant l’outrecuidance
Qui suinte de ses longs doigts agiles;
La bête est maintenant fragile,
Elle n’arrive point à bout des vigiles
Quand le pianiste chante l’Évangile.
En annihilant les dissonances
Il nous fait don d’une performance
Étouffant dans l’œuf les manigances
De l’animal muré dans le silence.

Le musicien, telle une chaloupe,
Se balance, il a le vent en poupe.
Il fait chavirer le cœur de ses troupes
Pour finir par les prendre en croupe
Et les transporter au pays de cocagne,
Là où l’amour est leur fidèle compagne
Et où la félicité les accompagne
En illuminant leur très vaste campagne.

Comme une femelle en rut
Elle veut s’accaparer de l’ut
Afin que le pianiste culbute
Et fasse une terrible chute.
Mais, comme dans la Flûte de Mozart,
Le virtuose supplie les dieux lares
De lui éviter vraiment tout écart
Qui pourrait préjudicier à son art.
Ils exhaussent ses prières;
Sa musique, tel un lierre
Grimpe, adhère de belle manière
Dans notre humeur primesautière
Pour embellir le mouvement lent
D’un bel canto gracieux et galant;
Le fauve est envoûté par un tel talent,
Il devient du coup terriblement nonchalant
Et n’est plus du tout obsédé par sa fringale;
Le concertiste peut entamer le final,
Pour le public c’est un régal,
Ce pianiste n’a pas d’égal.

Les gens, debout, applaudissent ce virtuose
Qui est venu à bout de cette grande chose
Et a fait vivre avec eux  Dieu en symbiose
En distillant une passion à haute dose.

Le public en a eu pour ses écus.
Revenons à la tigresse vaincue :
Elle demeure fortement convaincue
Qu’un jour les autres n’auront pas survécu.

 

 

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