Le poétique virus ne nous fait pâlir, il nous fait jouir (VII)
Si...
Si lors d’un jour de grande détresse
Le ciel faisait pleuvoir une joie
Sur les milliers de papillons noirs
Elle les transformerait en lutins
La nuit deviendrait une princesse
Revêtant la couronne du roi
Afin que le soleil puisse choir
En belle lune jusqu’au matin
Si lors d’un jour d’un gros désespoir
Un mandarin jetait quelques fleurs
Sur un écrivain abandonné
Elles orneraient une nouvelle.
Un homme faisant plaisir à voir
Transformerait l’héroïne en pleurs
En une femme rassérénée
D’où suinterait une jouvencelle
Si lors d’un jour de grosse tempête
Le vent faisait descendre des Cieux
Les trépassés au centre des villes
Qui nous raconteraient l’au-delà
L’ambition deviendrait une ascète
Se flagellant devant les envieux
L’orgueil deviendrait l’être futile
Arpentant un monde sans éclat
Si lors d’un jour de forte grisaille
Une couleur viendrait transformer
Des existences qui las s’abrègent
En des vies aux visages d’enfant
Le temps ferait battre l’éventail
D’une humanité pouvant s’aimer
Sous l’envoûtement d’un sortilège
Qui fouette les cadavres vivants
Si lors d’un jour de sollicitude
L’être humain viendrait tendre sa joue
Au baiser voluptueux de l’amour
Qui se pose sur les tristes faces
Les lueurs de la béatitude
Rendraient alors beau le sapajou
Chacun s’agglutinerait autour
De l’homme affreux touché par la grâce.
Si les arbres se mettaient à pleurer
Une journée happée par le temps,
L’homme qui fuit dans les aléas d’un destin,
Un oiseau volant vers sa subsistance,
Les feuilles se redresseraient ;
Elles couvriraient l’arbre de leurs limbes,
Elles leur murmureraient ces mots apaisants :
Une journée s’habille en d’autres jours,
La même âme recouvre d’autres hommes,
L’oiseau, affamé ou rassasié, chante l’aube.
Si les artères des villes sanglotaient
Quand le progrès de l’homme chauffe le goudron
Dans le tumulte des conduites,
Sous le vacarme des moteurs bien habillés,
La symphonie quitterait le théâtre,
Les violons pleureraient avec les grandes rues,
Les vents enflammeraient l’asphalte,
Les flûtes susurreraient aux conducteurs :
Faîtes taire les dissonances,
Figez-vous sur les harmonies,
Un orchestre nous conte le chant des Cieux.
Si une bouche aimante nous rendait visite
Quand la sénescence flirt avec le trépas,
Quand la douleur erre dans l’abîme d’un corps,
Quand l’affliction est orpheline de l’amour,
Un ange naîtrait du ventre de la mort ;
La chair enfanterait une fée apaisante ;
Eros surgirait des entrailles d’une peine.
Si la terre s’arrêtait de tourner
Lorsque l’infamie ensevelit la noblesse
Au fond des orgueils en guerre,
Dans une cupidité immonde,
L’angoisse s’habillerait en spectre,
La peur réveillerait l’hydre des ténèbres.
Elle secouerait les vanités
Jusqu’à les dénuder de l’enveloppe humaine.
Nues, elles se glisseraient sous l’univers.
Le monde serait jonché d’hommes sages
Enterrant l’effroi sous leur magnanimité.
La terre tournerait à nouveau de joie.