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Tiré du documentaire Kinshasa Symphonie

Le cagnard darde à plomb ses myriades de doigts brûlants sur les visages émaciés. Les bouches criant famine avalent du soleil avant l’éternel sommeil. L’astre désastre de l’Afrique buvote l’océan, et le crache sur d’autres continents. Le soleil peint les figures faméliques d’un hâle recouvrant leur pâleur, mais la lune lare au visage pâle les suspend au noir firmament. Dans la nuit elles scintillent, et éclairent la petite vertu. Dans la précarité africaine, sur la poussière oubliée, des hommes aux mines fatalistes, des femmes aux allures accablées, sous la férule d’un chef d’orchestre forment une chaîne pendue aux cieux. Une cinquantaine d’anneaux humains s’imbriquent. Fatigués, mais élevés aux hautes ferveurs, bien des yeux entourés de cernes rappelant l’auréole des martyres s’accrochent à la lamentation mélodieuse. Des mains tailladées par un dur labeur se donnent aux instruments de leur crû. Entraînées par la magique cadence, elles se vêtent d’élégance. Des lèvres asséchées par la soif boivent les notes de Beethoven; conçues dans la surdité, elles résonnent de félicité. Dans cette Afrique cadavérique, l’homme repu est éperdu : les damnés chantent «Nous sommes frères». Une gerbe d’harmonie s’élève; elle prend la forme d’une contrition. Le fortuné se joint au miséreux; et des larmes de sang au couard arrière-goût, et des larmes de cœur au bienveillant avant-goût, se fondent dans l’hymne à la joie.

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