Nul ne danse avec la plume
Les yeux rivés sur le maître du savoir, la main enveloppant l’intermédiaire, les doigts introduisant l’intelligence, de son siège, son esprit écoute. Le labeur transformé en verre coloré lui parle silencieusement. Il a parcouru bien des jours, et a musardé le long de nombreuses nuits. Mais avec le temps, le cothurne badine, mais avec l’âge, le brodequin se raidit. Harassé, il tombe sous le couperet. La lame tranche ses vertes années. La bave d’un brave suranné, dans la fosse de la gent forcenée, mouillera l’oublieuse éternité.
Alors la plume invite les collègues à venir avec elle au bal des vampires donné en l’honneur d’une tête chenue. La goule suce le sang incandescent d’une tête échauffée par tant d’adieux. Ce jour, il devient un fantôme qui hantera à jamais les archives où gisent les restes d’une besogne. La vieille bobine retrouvera les spectres des fourmis mises en veilleuse avant d’être emportés par la Faucheuse.
La plume s’habille de tristesse et valse sur la sympathie besogneuse, sur l’humour masquant des mots d’amour, sur l’air du bureau, sur l’imagination, son bourreau.
Nul ne danse sur ses écrits ; le dédain les fige dans le marbre ; leur langue pétrifiée défie la prose.
Console-toi, âme lunaire, sexagénaire. Tu n’assombris pas l’écriture solaire, mais ta verve épistolaire éclipse les esprits valétudinaires.
David Frenkel
Illustration par De Plume en Plume
Texte publié sur le même site sous le pseudonyme Benadel